Alors que le Musée lance un nouvel outil pour accéder aux données de ses collections en ligne, le chercheur Jeff Saarela, qui a participé au projet, partage ses réflexions sur les conséquences de cette diffusion à l’échelle mondiale.

La majeure partie des connaissances sur la biodiversité (variété des formes de vie, des gènes aux écosystèmes) et la géodiversité (variété des matériaux et des processus qui constituent et façonnent la Terre) proviennent de l’étude de spécimens conservés dans les collections d’histoire naturelle du monde entier et des données de collection qui leur sont associées. Ces collections sont des éléments essentiels et irremplaçables du registre scientifique permanent du monde.

Les données et les spécimens conservés dans les collections d’histoire naturelle servent à une grande diversité de recherches. Tous mes travaux sur la taxonomie des plantes se fondent sur les collections. Toutes mes descriptions d’espèces et mes cartes de distribution reposent sur les spécimens végétaux. Ils servent de référence dans l’identification de spécimens nouvellement collectés et d’espèces nouvellement découvertes. Ils sont aussi une source de matériel génétique pour mes études moléculaires qui permettent de reconstituer l’évolution des graminées et ils constituent un lien physique entre les séquences d’ADN obtenues grâce à la technologie et l’espèce et le spécimen dont on a tiré cette information génétique.

Un chariot remplis de dossiers contenant chacun plusieurs feuilles d’herbier.
Un chariot de spécimens de l’herbier servant au projet de codes à barres ADN des graminées auquel je participe. Image : Jeff Saarela © Musée canadien de la nature

Je consulte régulièrement les spécimens de l’Herbier national du Canada au Musée canadien de la nature et j’y dépose les premiers ensembles de toutes mes nouvelles collections. Dans la plupart des recherches taxonomiques, il importe d’examiner le matériel en dehors de notre musée. Les autres établissements détiennent souvent des collections uniques et je consulte souvent les spécimens d’autres herbiers au Canada ou à l’étranger.

Dans le passé, pour obtenir des données sur une collection d’un musée, il fallait soit emprunter le matériel, soit se rendre en personne dans l’établissement en question ou communiquer avec un employé dans l’espoir qu’il répondrait à votre demande. Ces méthodes fonctionnent bien mais elles exigent du temps et retardent le processus de recherche.

Saisie d’écran d’une page Web.
Saisie d’écran d’une page de recherche du nouveau site des collections en ligne du Musée canadien de la nature. Image : Jeff Saarela © Musée canadien de la nature

Comme dans bien d’autres domaines, l’Internet a tout révolutionné. Une fois numérisées, les données de collections – c’est-à-dire les questions « qui, quoi, où, quand » – rattachées à chaque spécimen peuvent devenir facilement accessibles où que l’on se trouve dans le monde.

Le Musée canadien de la nature a fait le grand pas cette semaine en lançant un nouvel outil en ligne qui donne accès aux données numérisées de ses collections. En bref, nous ouvrons à tous les Canadiens et au monde entier notre vaste bibliothèque de collections biologiques et géologiques.

Une science planétaire

Un spécimen de botanique, Bromus attenuatus Swallen, collé à une page d’herbier.
Image d’un isotype d’une espèce de graminées du Mexique Bromus attenuatus Swallen, conservée au Jardin botanique du Missouri à St. Louis. Cette image est accessible en ligne. Image : Missouri Botanical Garden © Missouri Botanical Garden partagée sous licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0.

L’accès en ligne aux données de collection facilite grandement la recherche taxonomique. Dans mon travail, je dois étudier les spécimens types, c’est-à-dire le ou les spécimens originaux qui ont servi à la description quand l’espèce a été découverte. Ceux-ci sont souvent éparpillés dans le monde. De nombreux établissements fournissent maintenant des images de haute résolution de leurs spécimens types en ligne et je les feuillette régulièrement. En botanique, les images sont souvent si claires qu’il devient inutile d’emprunter le matériel ou d’aller voir la collection sur place. (Plus sur les images de botanique haute résolution du Musée.) Impossible il y a à peine dix ans, cet accès en ligne accélère considérablement le travail de taxonomie.

L’accès aux données du monde entier permet aux chercheurs de se poser de nouvelles questions. On combine de plus en plus les données de collections correspondantes de divers établissements afin de les utiliser dans les études sur les changements climatiques et les modélisations, par exemple si l’on veut suivre l’avancée d’une espèce nouvellement introduite. Les collections représentent le fondement de nos connaissances sur la biodiversité et ce corpus s’enrichira à mesure qu’on diffusera en ligne de nouvelles données de collection dans un format accessible.

Les données de collections du Musée canadien de la nature représentent une part importante du registre mondial de la biodiversité et de la géodiversité.

Texte traduit de l’anglais.