Il est difficile d’oublier les séquelles qu’ont laissées sur la planète la chasse illégale, l’exploitation outrancière et l’épuisement des ressources, bref la destruction insensée de la nature au nom de l’argent. Mais jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour mettre un terme à cette destruction? Sommes-nous prêts à aller en prison, à risquer notre vie?

Une image tirée du film Eco-Pirate: The Story of Paul Watson.
Le film Eco-Pirate: The Story of Paul Watson a alimenté la discussion sur le thème : à quel moment l’activisme écologique cesse-t-il d’être utile pour devenir contre-productif? Image : Kevin Eastwood © Screen Siren Pictures

Ces questions étaient au centre des discussions du quatrième Café scientifique de la saison, qui s’est tenu au Musée le 24 février 2012. Les participants se sont penchés sur la question suivante : « Quand l’activisme écologique cesse-t-il d’être utile pour devenir contreproductif? »

Les deux conférenciers invités Kevin Donaghy, animateur communautaire du mouvement Occupons Ottawa, et Aaron Doyle, professeur adjoint au département de sociologie et d’anthropologie de l’université Carleton, ont amorcé le débat.

Huit femmes et hommes debout en rangée.
Les bénévoles de la Coalition jeunesse Sierra ont assisté au Café et donné leur opinion sur l’activisme écologique. Kevin Donaghy (2e à gauche) a présenté sa participation personnelle à divers mouvements activistes dont Occupons Ottawa. Image : Katherine Day © Musée canadien de la nature

Six bénévoles de la Coalition jeunesse Sierra ont été conviés à la discussion. Les participants ont été nombreux à apprécier leur intervention qui a permis, notamment, de lancer un pont intergénérationnel relativement à plusieurs actions et de dissiper les idées reçues selon lesquelles les jeunes d’aujourd’hui sont « égoïstes et apathiques ».

La soirée a commencé avec le visionnement du documentaire Eco-pirate: The Story of Paul Watson portant sur cet homme qui s’est fixé comme mission de sauver la planète et les océans. De ses débuts avec Greenpeace jusqu’à la fondation de la Sea Shepherd Conservation Society, en passant par ses récents démêlés avec une flotte japonaise en Antarctique, le film relate en détail les actions controversées de cet authentique héros de l’environnement.

Avant le film, Kevin Donaghy a brièvement entretenu les participants de son rôle d’activiste écologique et politique dans diverses campagnes lancées dans la région de la capitale nationale. « L’activisme est ce que vous vivez, ce que vous prêchez aux gens », explique cet ardent défenseur de l’environnement qui s’est consacré totalement à cette cause sans se soucier des conséquences. La philosophie activiste de Kevin Donaghy rejoint à certains égards celle de Paul Watson. Tout le monde ne peut tout sacrifier pour une cause, mais tous peuvent être sensibilisés à ces questions et au moins savoir qu’elles existent.

Kevin Donaghy a même cité l’écologiste politique américain Ralph Nader : « Si vous ne vous intéressez pas à la politique, la politique s’intéressera à vous. » Les sujets brûlants comme la chasse illégale à la baleine ont un grand écho au sein de la population, mais en général les gens n’osent pas s’engager eux-mêmes dans de telles batailles écologiques et politiques qui leur paraissent trop complexes.

Une image tirée du film Eco-Pirate: The Story of Paul Watson.
Paul Watson pose devant l’un de ses navires, le Steve Irwin. Image : Kevin Eastwood © Screen Siren Pictures

Mais ce qui est bon pour nous, les modérés, c’est que tous les défenseurs de l’environnement, quel que soit le degré de leur engagement, contribuent au renforcement et à la solidarisation de toute campagne. De fait, les propos tenus par les modérés viennent contrebalancer les actions des radicaux et apparaissent souvent plus raisonnables que les positions des extrémistes. Que cela soit en signant une pétition en ligne, en écrivant une lettre aux autorités gouvernementales ou même en participant à une marche pacifique, toute action sert à sensibiliser la population.

Bien entendu, les radicaux franchiront toujours un pas de plus en risquant une arrestation, voire leur vie, pour défendre leur cause et on peut se demander si de tels emportements font vraiment avancer les choses. Comme un participant le faisait remarquer : « si tout le monde était radical, le mouvement échouerait ». Kevin Donaghy acquiesça tout en soulignant que « la meilleure façon de n’arriver à rien est de ne rien faire ».

Pour sa part, Aaron Doyle a abordé le sujet du « héros de l’environnement » et de son rôle dans une campagne. Des personnes comme Paul Watson enfreignent la loi et ont leur propre conception de la « vraie loi ». Ces « gardiens » peuvent se comparer aux héros de la culture populaire comme Batman, Robin des Bois ou le cowboy solitaire. Il les décrit comme souvent violents et d’une virilité exacerbée.

On ne peut toutefois passer sous silence le fait que ces écologistes s’adonnent à des actes illégaux et causent de sérieux dégâts matériels. Mais comme un participant le soulignait : « Les justes désobéissent aux lois injustes ». Et sans ces héros, on n’obtiendrait aucun résultat. Il est vrai que Watson a réussi à empêcher les baleiniers japonais de chasser 50 % de leur quota.

Le professeur Aaron Doyle devant un auditoire dans le Salon du Musée canadien de la nature.
Le professeur Aaron Doyle lors de sa conférence sur l’activisme écologique dans une perspective sociologique. Image : Dana Lahey © Coalition jeunesse Sierra

Pour Aaron Doyle, on ne devrait pas seulement se demander quand l’activisme écologique devient-il contreproductif mais aussi quand cesse-t-il d’être moralement juste. Cette question d’éthique a suscité un vif débat.

Malgré les opinions divergentes sur le sujet, la plupart des participants étaient d’avis que, sans des gens comme Paul Watson, la population ne serait pas au courant de ces problèmes. Qu’on le considère comme un pirate ou un protecteur, il attire suffisamment d’attention pour faire connaître sa cause.

Quel que soit leur degré d’activisme politique, les participants et les conférenciers étaient unanimes sur un point : il faut impérativement continuer de se tenir au courant de ces questions.

Plus les gens seront sensibilisés, plus on pourra changer les choses.

Poursuivre la discussion

Nous convions toutes les personnes qui désirent poursuivre cette discussion à donner leur avis dans la section ci-dessous. N’hésitez pas à commenter les questions à approfondir que soulève ce Café. Nous vous encourageons également à afficher d’autres ressources.

Questions à approfondir

  • Comment le « fétichisme » à l’égard des cétacés a-t-il contribué à diffuser la cause des baleines et des dauphins sur une grande échelle et à capter l’intérêt des médias? Qu’est-ce qui fait que les gens se préoccupent de ces espèces en particulier? Nous mobiliserions-nous si des espèces moins attirantes ou moins intelligentes étaient chassées à outrance?
  • Les médias sociaux ne nous conduisent-ils pas à une sorte d’activisme laxiste : nous avons l’impression de faire quelque chose en signant des pétitions ou en participant à des campagnes de courriels, mais dans les faits nous ne faisons pas beaucoup d’efforts. Quelles stratégies ou actions se révèlent efficaces? Jusqu’où devons-nous aller?
  • Pour être efficace, une campagne doit-elle nécessairement être conduite par un chef charismatique, comme Paul Watson par exemple?
  • L’activisme radical ne décourage-t-il pas la majorité de la population de participer à toute forme d’action en raison des dangers ou des perceptions négatives qui y sont associés?