Un des points forts de notre voyage dans le lointain nord de l’Ontario en juillet a été d’avoir inclus une lichénologue au sein de notre équipe botanique multidisciplinaire.

C’était formidable parce que les lichens sont incroyables, parce que les experts en lichens sont très rares et parce qu’il reste tant de choses à apprendre en matière de lichénologie que chaque sortie à la découverte de lichens semble donner des résultats spectaculaires.

Lichen qui domine la mousse qui l'entoure.
Une cladonie cénote, Cladonia cenotea : Comme dans cette photo, le spécimen de cladonie cénote collecté pour l’exposition au Musée est mélangé à une mousse plumeuse, Pleurozium schreberi, répandue dans les forêts boréales. Image : R. Troy McMullin © R. Troy McMullin

Ce voyage arrivait aussi à point parce que nous avons réussi à rendre l’exposition temporaire Bioluminescence : Quand la nature s’illumine (déjà ultra chouette) encore meilleure en y ajoutant du matériel de recherche des collections du Musée de la nature… et il s’avère que certains lichens sont de brillants adeptes de la bioluminescence.

R. Troy McMullin, Ph. D. (anglais seulement), de l’Université de Guelph, a généreusement accepté de collaborer avec moi pour trouver des spécimens à partager avec les visiteurs au Musée (je vais également ajouter des spécimens aux collections du Musée.)

Les lichens ne sont pas bioluminescents, c’est-à-dire qu’ils ne brillent pas dans le noir lorsqu’on éteint les lumières. Sous un rayonnement ultraviolet, toutefois, bon nombre deviennent fluorescents, dégageant une lueur vive qui n’est pas détectable à la lumière du jour par la plupart des humains.

Collage : une section de branche couverte de lichens sous une lumière blanche et la même branche sous rayonnement U.V., montrant la fluorescence du lichen.
Nouvelles pièces de l’exposition : Les visiteurs de l’exposition Bioluminescence peuvent faire apparaître la fluorescence des lichens, Ochrolechia arborea, sur cette branche en allumant la lampe à U.V. Photo du haut : rayonnemnent U.V.; photo du bas : lumière blanche. Images : Jennifer Doubt © Musée canadien de la nature

Parfois, les couleurs des lichens fluorescents sous une lampe à U.V. sont complètement différentes de celles qui ressortent sous une lumière blanche ordinaire. Un lichen blanc os, par exemple, peut prendre une étonnante couleur jaune d’oeuf sous rayonnement U.V.

Fait intéressant : les scientifiques ne savent pas encore pourquoi seules certaines espèces de lichens contiennent des produits chimiques fluorescents. Ils savent, par contre, que ce sont des sous-produits naturels du métabolisme ordinaire du lichen.

Je dois admettre que j’ignorais à quel point les lichens fluorescents sont répandus au Canada, même si je sais depuis des décennies que les lampes à U.V. sont de rigueur dans les laboratoires d’identification des lichens. Leur lueur presque flamboyante les apparente davantage à des espèces plus exotiques.

Un amas de lichen sur une roche.
Icmadophile en filets, Icmadophila ericetorum : L’icmadophile en filets est la préférée de bien des naturalistes parce qu’elle est facile à identifier, avec ses organes de fructification roses sur une croûte vert menthe et son mémorable nom populaire de vomissures de fée. Sous rayonnement U.V., elle émet une fluorescence en raison de la présence d’acides thamnolique et perlatolique. Image : R. Troy McMullin © R. Troy McMullin

Dans les basses-terres de la baie d’Hudson, cependant, le professeur McMullin repérait machinalement des amas de lichens comme candidats éventuels à l’exposition. À propos d’un spécimen brunâtre en forme de tige qu’on trouvait partout, il a émis ce commentaire : « Celui-ci brille d’une lueur bleu éblouissant ».

Bleu éblouissant?! Ce même lichen qui pousse dans toutes les provinces et les territoires du Canada? Pourquoi personne ne nous parle de ça à l’école?

Collage : un spécimen de cladonie cénote, Cladonia cenotea, et de mousse plumeuse, Pleurozium schreberi, sous une lumière blanche et sous rayonnement U.V., montrant la fluorescence des lichens.
La surprise bleue : j’ai collecté ce spécimen pour l’exposer au Musée. Sous rayonnement U.V. (à gauche), le « bleu éblouissant » de la cladonie cénote contraste de façon marquée avec son voisin non fluorescent, la mousse plumeuse. À droite : lumière blanche. Images : Jennifer Doubt © Musée canadien de la nature

Après que j’ai évoqué à haute voix la possibilité de transformer une tourbière nordique en arène psychédélique à l’aide de projecteurs à U.V., le professeur McMullin m’a parlé d’un autre lichénologue, Robert Lücking, Ph. D. (anglais seulement), et de la photo extraordinaire qu’il a prise lorsqu’il a installé sa lampe à U.V. près d’un tronc d’arbre incrusté de lichens. M. Lücking m’a gentiment permis de reproduire ici cette même photo et une autre du même arbre sous une lumière blanche.

Collage : Une section du tronc d'un arbre couvert de lichen sous une lumière blanche et le même tronc d'arbre sous rayonnement U.V., montrant les diverses couleurs de la fluorescence des lichens.
Un exemple saisissant : Images correspondantes (lumière blanche, rayons U.V.) d’un tronc d’arbre couvert de lichen, telles que captées par Robert Lücking, Ph. D., à la Station biologique de Las Cruces au Costa Rica. Image : Robert Lücking © Robert Lücking

Un autre groupe de lichénologues les décrivent (anglais seulement) ainsi : « Les lichens…appartiennent à une élite d’organismes survivalistes… ». Ils sont résistants, magnifiques, uniques et curieux. Loin d’être confinés aux lointaines tourbières du Nord, on en trouve également dans des cours arrière, sur des marches de béton et sur des troncs d’arbre citadins, sans parler des parcs et des zones naturelles – bref tous les milieux terrestres sauf les régions les plus lourdement polluées de notre planète.

Un homme portant un chapeau moustiquaire tient un chapeau contenant un spécimen de lichen.
R. Troy McMullin, Ph. D. : Protégé hermétiquement des mouches noires et enthousiaste de pouvoir visiter des tourbières incrustées de lichens, M. McMullin s’empare de tous les récipients disponibles pour collecter des échantillons de lichen. Image : Jennifer Doubt © Musée canadien de la nature

Le vrai mystère consiste à savoir pourquoi si peu de gens les connaissent. Si vous voulez en voir, allez faire un tour dehors. Si vous voulez les voir fluorescer, rendez-vous à l’exposition Bioluminescence au musée, n’importe quand avant le 9 novembre 2014.

Jennifer a couvert un grand territoire lors de ce voyage de collecte. Lisez son article précédent, Hors de ma vue, insecte! Étudier les plantes dans les tourbières du nord de l’Ontario.

Texte traduit de l’anglais.