de James Darling et Shan Leung
Avez-vous déjà aperçu de petits coléoptères noirs au sol ? Appelés carabes (famille des Carabidae), ces petits insectes jouent un rôle très important.
Avant que les vers de terre ne soient introduits en Amérique du Nord par l’intermédiaire des échanges horticoles au XVIIIe siècle, les carabes étaient les principaux agents de remuage du sol; par leur action, ils mélangeaient les nutriments et contribuaient à la diversité florale. Il existe encore aujourd’hui en Amérique du Nord (normalement vers le 60e degré de latitude Nord) des zones où les vers de terre ne sont pas présents; ce sont donc les coléoptères qui remuent le sol. Certains carabes sont aussi des indicateurs biologiques. Leur présence, ou leur absence nous renseignent sur la salubrité de l’écosystème.
Notre travail consiste à collecter les coléoptères grâce à cinq pièges à fosse. Ceux-ci se composent d’un contenant en plastique enfoncé dans le sol et d’une bande de verre acrylique posée sur le bord du contenant. Après avoir collecté les carabes, on les épingle, on les identifie et on les range dans les collections du Musée.
Notre objectif principal est de connaître quelles espèces de coléoptères occupent les divers habitats de la propriété du Musée : forêts, terres humides, prairies, etc. Nous voulons aussi surveiller les changements dans le type des espèces au fur et à mesure de l’évolution naturelle des habitats, par exemple quand une prairie se transforme en forêt.
Carabus nemoralis, le carabe des bois
Très vite, nous avons constaté qu’une espèce en particulier remplissait nos pièges de façon disproportionnée : le carabe des bois, Carabus nemoralis, une espèce européenne qui a été signalée pour la première fois en Amérique du Nord il y a environ 150 ans.
Depuis son introduction accidentelle en Amérique du Nord (au XVIIIe siècle par les colons européens), le carabe des bois s’est répandu des latitudes nordiques comme le Québec jusqu’à la Californie. Il existe des espèces indigènes appartenant à ce genre en l’Amérique du Nord, dont sept se rencontrent au Québec et en Ontario.
Parmi les dizaines et les dizaines de spécimens récoltés l’été dernier, un seul appartenait à une espèce de carabe, Carabus, indigène. Est-ce que le carabe des bois élimine les espèces indigènes en les concurrençant sur le plan de l’alimentation ou d’autres ressources?
On peut attribuer le succès du carabe des bois en Amérique du Nord à son talent de chasseur. Les membres du genre Carabus se nourrissent de limaces et sont particulièrement bien adaptés pour détecter les traces de mucus. Certaines limaces sont des ravageurs qui consomment de grandes quantités de plantes cultivées. Les carabes des bois peuvent nous aider à maîtriser ces infestations. Donc en dépit de leur caractère envahissant, ces insectes peuvent constituer un moyen biologique efficace pour protéger nos cultures des limaces.
Points saillants de l’été 2015
Le nombre de carabes des bois en mai, juin et août était élevé. Nous récoltions souvent une douzaine de spécimens par piège.
Fait intéressant, nous n’en avons presque pas récolté en juillet. Cela s’explique : il s’agit de la période entre la mort de l’adulte et la métamorphose complète de la larve.
Le carabe des bois hiverne sous forme d’insecte adulte. Il redevient actif en avril ou en mai pour se reproduire. L’adulte produit des larves en juin et meurt en juillet. Les larves deviennent des adultes en août, ce qui explique la soudaine disparition observée.
Il faut remarquer que les pièges n’étaient pas sélectifs; nous n’y trouvions jamais que des carabes. Normalement d’autres insectes de sol s’y faisaient prendre, tout comme quelques occasionnels mammifères et amphibiens.
Durant l’été, nous avons capturé accidentellement trois musaraignes, quatre campagnols, cinq grenouilles des bois, six crapauds d’Amérique et une salamandre à points bleus. L’été prochain, nous tenterons d’éviter les captures non désirées en couvrant le piège d’un grillage. Nous empêcherons ainsi les animaux trop gros de tomber dans le piège.
Mais doit-on prévenir les prises non recherchées ? Bien sûr, on peut invoquer la nécessité de limiter notre impact sur la biodiversité locale. En revanche, ces pièges à coléoptères sont notre seule source de spécimens de vertébrés. C’est grâce à eux que nous avons découvert une espèce de campagnol qui n’avait jamais été recensée sur le terrain du Musée.
Dans l’ensemble, nous avons eu un été fructueux avec la collecte de plus de 1000 spécimens venus enrichir la collection de coléoptères du Programme de surveillance environnementale. Environ 400 de ces spécimens sont des carabes qui se répartissent en 21 espèces. Une fois toutes les données analysées et les calculs effectués, nous aurons une bien meilleure idée de la biodiversité locale et de son état de salubrité.
Texte traduit de l’anglais.
Les p’tites bêtes c’est pas ce que je préfère, mais le sujet m’apprend plein de choses 😀
Alors merci du partage !