Quand je collecte et que j’analyse des spécimens de poissons destinés à la collection du Musée canadien de la nature, je m’intéresse souvent aux pierres qu’ils ont dans la tête.
Ces petites structures rocheuses sont des otolithes ou « pierres d’oreilles » et peuvent mesurer à peine quelques millimètres. Grâce à elles, le poisson entend et garde l’équilibre. (Les humains ont aussi des « pierres d’oreilles », plus petites, qui servent aux mêmes fins). Pour les scientifiques, les otolithes sont précieux, parce qu’ils recèlent une somme d’informations. Le plus fascinant, c’est qu’ils n’ont pas encore révélé tous leurs mystères.
Les otolithes se trouvent près du cerveau des poissons, toujours par paires. Ils se présentent dans l’une des trois formes suivantes du carbonate de calcium : l’aragonite, surtout; la calcite, parfois; et, plus rarement, la vatérite.
La collection ostéologique (c’est-à-dire, d’os) du Musée compte 2258 otolithes représentant 477 espèces. Les chercheurs les étudient pour trouver la réponse à des questions d’ordre biologique (biologie du poisson); d’ordre écologique (environnement du poisson); ou d’ordre anthropologique (comment les gens utilisaient le poisson dans le passé).
Les otolithes ont une forme distinctive selon l’espèce, ce qui signifie que même ceux que l’on trouve sans les poissons, dans le contenu des intestins des prédateurs, dans les matières fécales des animaux qui se nourrissent de poisson ou sur des sites archéologiques, par exemple, permettent d’identifier l’espèce à laquelle ils appartiennent.
Fait important : chaque otolithe raconte une histoire détaillée sur la vie du poisson. Sa taille permet d’estimer la longueur du corps, et ses anneaux de croissance révèlent l’âge et le taux de croissance du poisson comme les anneaux des arbres. Enfin, la forme de ces anneaux donne une idée du climat et même de la saison pendant laquelle le poisson est mort.
L’analyse chimique des otolithes indique la température moyenne de l’eau dans laquelle le poisson a vécu. La teneur en strontium, en calcium et en zinc renseigne sur le trajet migratoire des poissons qui passent de l’eau de mer à l’eau douce, et même d’un habitat à un autre dans un cours d’eau de grandes dimensions comme l’Amazone.
Les otolithes des poissons nous aident même à nous comprendre et, surtout, à comprendre notre histoire. Par exemple, l’étude d’amoncellements d’otolithes de morues prélevés sur le site d’un établissement de pêcheurs basques du xvie siècle, au Labrador, a fourni beaucoup de renseignements sur les populations de morue franche avant la pêche commerciale intensive. En outre, grâce au carbone 14, il est possible de déterminer à quelle époque un site a été exploité. L’évolution de la composition chimique et de la structure des otolithes renseigne aussi sur la façon dont le poisson a été apprêté avant sa consommation.
L’un des mystères les plus remarquables de ces petites pierres concerne un autre lien entre humains et poissons. En effet, les otolithes des poissons d’élevage, quelle que soit l’espèce, contiennent dix fois plus de vatérite que ceux de leurs cousins sauvages. Personne ne sait encore pourquoi.
C’est donc une bonne chose que les poissons aient dans la tête ces cailloux qui leur permettent d’entendre et qui permettent aux scientifiques comme moi de se mettre à l’écoute d’histoires naturelles étonnantes.
Est-il bien de consommer ces otolithes ?
Non. on ne mange pas des otolithes. IIs sont des petits roches.
J’ai viens tout juste de trouver ces magnifiques cailloux (otolithes) dans un poisson
Formidable! Quelle espèce?
Bonjour,
l’analyse des otolithes est-elle toujours la même quelque soit l’espèce (calcul de l’âge, microchimie pour la recherche de polluants…) ?
Merci
Bonjour Lucie;
Étant donné que tous les otolithes des poissons sont composés de carbonate de calcium, les tests des rapports isotopiques et de la microchimie sont les mêmes.
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre réponse.
En ce qui concerne la microchimie, quels sont les éléments que l’ont peut détecter ? J’ai pu lire que le LA-ICP-MS décollait les ions de la matière étudiée, est-il possible de détecter également des composés chimiques tels que des résidus médicamenteux par exemple ?
En vous remerciant encore une fois.
Notre musée détient ces collections pour la recherche taxonomique et autres. Personnellement, je n’ai pas fait d’analyses d’otolithes mais vous pouvez contacter des spécialistes du sujet.